Parmi ceux qui abordent la Bible uniquement littéralement, on peut distinguer deux sortes d'approches : la naturelle, et la réactionnaire.
Ceux qui ont l'approche naturelle sont dans l'incapacité de faire le tri entre le symbolique (qui montre des réalités sous forme allégorique) et les faits réels que le symbolique représente. S'ils sont honnêtes avec eux-mêmes, ceux qui ont cette approche finiront par comprendre cette distinction entre réalité et représentation de cette réalité.
D'autre préféreront le refoulement à l'incertitude déstabilisante que peut produire la découverte de la symbolique des textes bibliques (les créationnistes, p.ex.). Le littéralisme réactionnaire se rend compte que des questions se posent, mais il les refoule, consciemment ou non (par angoisse de l'insécurité). Cette attitude a encore une certaine légitimité s'il s'agit d'un questionnement très faible auquel on peut facilement répondre. Par contre, elle n'en a aucune quand elle brise l'esprit dans l'intimité de son coeur par des méthodes de propagande ou de manipulation psychologique, lorsqu'elle déchire l'unité et blesse l'intégrité des profondeurs de l'être.
L'ennemi n'est pas le littéralisme naturel, naïf, mais le littéralisme conscient qui réprime et agresse une pensée autonome. C'est une sorte d'idolâtrie.
Le critère de la vraie foi
La faiblesse de n'importe quelle foi réside dans sa facilité à devenir idolâtre. L'esprit humain, dit Calvin, est une fabrique qui produit continuellement des idoles. On le constate pour tous les types de foi, y compris le protestantisme qui en est particulièrement conscient. Des déformations idolâtres le menacent aussi. Il doit s'appliquer à lui-même le critère dont il se sert pour juger les autres formes de foi.
Chaque type de foi a tendance à attribuer une validité absolue à ses symboles concrets. Impliquer un élément d'autocritique constitue par conséquent le critère le plus décisif : le symbole qui convient le mieux manifeste non seulement l'ultime [ce que l'homme recherche au plus profond de lui-même] mais aussi qu'il n'est pas lui-même ultime.
A la différence de toutes les autres religions, le christianisme possède pleinement ce symbole avec la croix du Christ. Jésus n'aurait pas pu être le Christ s'il ne s'était pas sacrifié lui-même, en tant que Jésus, à lui-même en tant que Christ. Reconnaître le Christ en Jésus sans accepter Jésus le crucifié est une forme d'idolâtrie (Matthieu 16:16-23). Ce qui concerne ultimement le chrétien n'est pas Jésus, mais le Christ Jésus que manifeste le crucifié.
L'événement qui a créé ce symbole fournit le critère selon lequel on doit juger la vérité du christianisme et celle de n'importe quelle religion. [...] Le protestantisme critique l'Eglise romaine au nom de ce critère. A l'époque de la Réforme, la division des Eglises ne vient pas des formulations doctrinales, mais de la redécouverte du principe qu'aucune Eglise n'a le droit de prendre la place de l'ultime. [...] Ce critère s'identifie au principe protestant et devient réalité dans la croix du Christ - d'où la grandeur du christianisme protestant.
D'après Paul Tillich, Dynamique de la foi